top of page

Chapitre 23: l'annonce

 

Les chambres du conseil consistaient en une enfilade de salles, servant autrefois de chambres pour les prêtres qui vivaient au sanctuaire. Certaines qui étaient destinées aux haut-prélats étaient donc richement décorées tandis que les autres étaient plus petites et plus simples. Elles avaient été cependant été redécorées pour devenir plus confortable et seules les fresques pieuses attestaient encore de leur passé religieux.

C’était dans une de celle-ci, retransformée en petit salon vivement éclairée à la chandelle que Sarishia patientait. Le général Korven l’avait confortablement installé et ordonné qu’on lui apporte de quoi se sustenter puis l’avait laissé sous bonne garde. Il revint une heure plus tard, accompagné de son second, le colonel Tensi. 

Tous les deux affichaient un visage détendus et même souriant, ce qui était fréquent pour le jeune homme mais rarissime pour son supérieur. Celui-ci s’installa en face de la princesse tandis que Chahan Tensi resta debout derrière le divan.

 

« Je me suis entretenu avec les soigneurs, commença Korven, la reine va beaucoup mieux, elle se repose à présent. »

 

Sarishia se crispa et sentit les larmes lui revenir aux yeux mais s’empêcha de pleurer devant ces hommes.

 

« Ma mère…tenait des propos fort étranges dans la crypte…»

- Rien qui ne doit vous perturbez votre grâce, répondit Korven. La reine est malheureusement fort souffrante et les soins que doivent lui procurer les soigneurs provoquent parfois des hallucinations voir des crises de folie tout à fait passagères. Ce qu’elle a dit dans cette crypte n’est que le fruit d’années de maladie, j’en ai bien peur…Il n’y a rien de cohérent et encore moins de vrai dans ces malheureuses paroles.

 

Il se permit un silence avant de reprendre:

 

- Je cherchais à tout prix à vous épargner ce triste spectacle…je suis fort peiné que malgré mes efforts, vous y avez été confronté…Je suis conscient que votre vie n’est pas facile et que la solitude vous pèse et malheureusement la reine ne peut y être d’aucun secours pour l’instant. Lors d’un de ses moments de lucidité, j’ai cependant pu discuter avec elle de votre avenir et nous sommes tombés d’accord sur le fait que ce palais morose et la grisaille qui perdure depuis quelques années dans notre pays ne vous conviennent guère…        

J’ajouterais que, malheureusement, votre mère n’a plus beaucoup d’années à vivre…Et qu’il serait rassurant pour le peuple et pour moi-même de vous savoir mariée et prête à succéder au trône. »

 

Sarishia s’y attendait…Il était assez évident que Korven en profiterait pour lui annoncer cette décision de mariage. Elle était d’ailleurs rassurée d’en entendre les quelques détails à l’avance pour s’y préparer…Elle n’aurait pas supporté être casée du jour au lendemain comme un présent qu'on offre à un pays voisin pour quelques grâces.

Korven lui confirma donc ce qu’elle avait entendu et elle feignit un rien de surprise mais sans avoir vraiment l’impression qu’il en fut dupe. Dans un sens, il l’a rassura en lui affirmant qu’elle n’était pas encore prête à tenir le rôle d'épouse et qu’il comptait encore un an de préparation pour qu’elle soit « dûment présentable ».

Au moins lui restait-il un peu de répit !

 

« Cependant, pour vous permettre de mieux connaitre votre futur époux et aussi pour ranimer un peu le palais et le peuple, le prince Léandre de Tenmis et sa suite arriveront dans six mois. S’ensuivront ensuite vos fiançailles ainsi qu’une série de fêtes que les tenmissiens financeront eux même en guise de cadeau à leur future princesse. Je dois dire qu’ils sont ravis d’avoir l’honneur de recevoir une Sältyn dans leur famille royale. »

 

Sältyn…Voilà bien longtemps qu’on ne l’avait plus nommée de la sorte. Désignant anciennement le mot « or », il était aujourd’hui utilisé pour désigner les jeunes filles blondes, phénomène rarissime dans ce pays où la majorité de la population avait les cheveux bruns foncés voir noir. Sarishia avait cependant encore plus l'impression de n'être qu'un beau bijou.

Korven se tut, attendant manifestement une remarque de sa part mais rien ne lui vint…Elle restait sous le choc d’avoir vu sa mère dans cet état et elle se sentait extrêmement fatiguée. Elle reprit donc du thé et laissa peser le silence dans la pièce.

Quelqu’un toqua respectueusement à la porte et Chahan sortit pour s’entretenir avec l’intervenant. Il revint deux minutes plus tard et murmura quelques paroles à l’oreille de son supérieur. Celui-ci se leva et s’inclina brièvement devant Sarishia.

 

« Le devoir m’appelle j’en ai bien peur… Je voulais vous parler d’autre chose mais je n’en ai plus le temps. Je laisse donc la main à Chahan qui, si vous le voulez bien, vous raccompagnera à vos appartements. »

Et sur ces paroles, il sortit de la pièce.

 

Chahan s’inclina à son tour, toujours aussi détendu et souriant qu’à l’ordinaire et lui tendit la main

 

« Si vous me permettez, votre grâce. »

Lire la suite...
bottom of page