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Chapitre 25 : Un oisillon sans aile

 

Rigel faisait les cents pas dans le salon de la princesse quand elle la vit enfin entrer, non pas par le passage secret comme elle s’y attendait mais par la porte d’entrée de sa chambre.

 

« Votre grâce ! Enfin vous voilà, je commençais à me demander…»

 

Mais elle s’interrompit en la voyant accompagnée de Chahan Tensi et se mit aussitôt au garde à vous.

 

« Colonel Tensi »

 

Celui-ci, toujours aussi affable, alla jusqu’à lui faire une petite courbette.

 

« Dame Rigel »

 

La pique la blessa mais elle n’en montra rien et subit en silence le petit sourire narquois de Chahan. Il faut bien avouer que Rigel n’avait malheureusement rien pour impressionner le meilleur soldat du royaume…Non seulement il était un excellent combattant mais il jouissait en plus d’une beauté et d’un charisme non négligeable. Toujours armé de son épée noire et de son sourire charmeur, il était monté dans la hiérarchie à la vitesse de l’éclair et se trouvait maintenant bras droit du général à trente ans à peine. Il avait réussi ce qu’elle avait passé sa vie à essayer d’accomplir : impressionner son général de père.

Il se tourna vers la princesse.

 

« Votre grâce, je vais à présent vous laisser. Prenez le temps de vous reposer…Vous en avez bien besoin. »

 

Rigel remarqua effectivement les cernes et les yeux rouges de la princesse ainsi que son expression distante ; Elle se contenta d’un petit hochement de tête et regarda à peine le colonel sortir.

Celui-ci ouvrit la porte puis fit une pause

 

« J’oubliais…En raison des préparatifs dont je vous ai parlé, le palais va être un peu bousculé…Alors  je vous demanderai de rester si possible dans vos appartements…et dans les couloirs officiels. »

 

Il termina sa phrase par un rapide clin d’œil et sortit.

Rigel attendit qu’il ait claqué la porte pour se précipiter vers la princesse.

 

« Votre grâce, vous êtes si pâle, que s’est-il donc passé ? Vous êtes retourné au sanctuaire sans moi n’est-ce pas ? »

 

Malgré elle, elle ne put s’empêcher d’y mettre une once de reproche.

 

« Je ne pouvais plus attendre, répondit la princesse en allant s’assoir dans le divan du salon, il fallait que je vois…que je sache… »

 

Rigel attendit mais la princesse ne donna pas plus d’explication et se perdit dans la contemplation du soir qui tombait.

 

« Tu sais, il va y avoir une fête…Une commémoration pour mon père…Cela va faire quinze ans cette année qu’il est mort. »

- J’en ai entendu parler, oui, répondit précautionneusement Rigel sans oser préciser que l'annonce avait été rendue officielle depuis plusieurs mois déjà mais que le général avait jugé inutile jusque-là de prévenir la jeune fille. 

- Mon père…Comment était-il ? Lui demanda la princesse.

- Et bien…Je n’étais moi-même pas très grande…C’est arrivé un an ou deux après la mort de ma propre mère dont je ne m’en souviens plus beaucoup non plus…Mais on m’en a beaucoup parlé, toujours en bien. 

 

La princesse la regarda soudainement.

 

« Et ton frère ? »

- Je vous demande pardon ?' s’étonna Rigel

- Korven  a bien eu un fils non ? 

 

Rigel la regarda un moment, se demandant s’il s’agissait d’une question piège.

 

- Non votre grâce, je n’ai jamais eu de frère…Mon père a toujours voulu un fils et c’est pour cela qu’il m’a mis à l’école des jeunes nobles quand j’étais enfant et que j’ai dû suivre une formation de soldat. 

 

La princesse la regarda un moment, interdite puis se retourna.

 

« Alors tout ce qu’elle a dit n’avait vraiment aucun sens… », murmura-t-elle en se levant et en se dirigeant vers sa chambre.

« Je suis épuisée, je vais dormir…mais avant je dois te dire…Pour la commémoration, il y aura une parade en ville et je devrai alors être accompagnée d’une garde privée. C’est Chahan qui dirigera lui-même le groupe et je sais qu’il va bientôt choisir une demi-douzaine de bons soldats pour le seconder. J’ai demandé à ce que tu en fasses partie…si ça te ne dérange pas ? »

 

Elle paraissait si pâle, si faible, ainsi appuyée au chambranle, sa peau et ses cheveux paraissant presque blanc à la seule lumière de la lune …Rigel en avait mal au ventre de voir la princesse héritière si démunie de soutien, au point de devoir lui demander son aide.

Rigel s’inclina devant elle.

 

« Je vous suivrai jusqu’à la mort votre grâce. »

 

La princesse sourit et Rigel pu voir derrière son sourire toute la solitude et la détresse qui devait peser sur elle. Le général lui avait coupé les ailes et c’est à Rigel qu’elle suppliait de lui réapprendre à voler. Mais comment le pourrait-elle alors qu’elle n’avait jamais su elle-même comment prendre son envol pour échapper à l’emprise de son père ?

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