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Chapitre quatorze : De l'ordre dans les rangs

 

La différence entre le cinquième et le deuxième niveau de la ville était impressionnant. Les riches demeures des nobles s’étalaient à perte de vue et toutes se surpassaient d’élégance et de grandeur. Les rues étaient propres et bien éclairées la nuit et les habitants vaquaient à leurs occupations dans une bonne humeur apparente. Ichkhan pu aussi y voir des parcs et des arbres, rarissimes dans les premiers niveaux de la ville. La caserne était grande et spacieuse et n’y logeaient que des fils et des petits-fils de nobles.

Mais Ichkhan n’en fut pas tellement mieux accueilli ; certes, ses frères d’armes ne le regardaient plus avec mépris et haine mais ils le toisaient bien d’avantage. Chacun voulait bien lui faire sentir qu’il n’y avait pas sa place.

 

À peine le lendemain de son arrivé, fut-il pris à parti par trois d’entre eux. Tout dans leur allure, leur vocabulaire et leur arrogance montrait qu’ils étaient bien nés. Ils avaient attendu qu’Ichkhan s’isole pour ranger son armure et son épée d’entrainement et l’avaient isolé au fond de la salle.

 

« Eh les amis, regardez qui nous arrive ! Le neveu du traitre ! Plaisanta hargneusement l’un d’entre eux ; un jeune homme grand et maigre, le visage constellé de taches de rousseur. C’est à se demander comment il ose se montrer alors que son nom est marqué par le tabou. Tu aurais dû rester caché dans tes bois, le paysan ! Tu n’as pas ta place dans cette ville. »

 

- Je ne suis pas un paysan et encore moins un traitre ! » Répliqua-t-il avec hargne mais il ne fut que renforcer leur hilarité.

 

- Hooo pardonne moi, tu as raison, tout ça c’est bien trop beau pour toi… bâtard ! »

 

Sans réfléchir à leur surnombre et au fait qu’ils étaient armés et lui non, Ichkhan se précipita sur le nobliau boutonneux et lui mit son poing dans la figure. Le jeune homme tomba à terre de manière fort peu protocolaire et se couvrit le visage de ses mains en gémissant. C’est alors qu’Ichkan aperçut le symbole de la belette sur sa tunique.

 

« Oh !  dit-il en se relevant. Je comprends mieux, forcément je ne suis pas grand-chose par rapport au précieux fils de dame Satiani, qui brille pour son courage et sa loyauté. »

 

Ichkhan cracha à ses pieds.

 

« Et qui a autant de sang noble qu’un chien errant puisqu’il a été adopté par une vieille peau refusant de voir son nom disparaitre. »

 

« Je t’interdis de dire du mal de ma mère, sale traitre » beugla le jeune homme.

 

Ichkhan le regarda et empoigna l’épée tombée à terre pour repousser les deux autres terrifiés.

 

« Ça aurait meilleur effet qui si tu ne chialais pas en me menaçant. »

 

Et il sortit de la pièce.

 

Ichkhan traversa la cour en fulminant. Ce n’est qu’arrivé de l’autre côté, près du réfectoire qu’il se rendit compte qu’il tenait toujours l’épée du lâche. Il soupira et fit demi-tour. Il n’était pas encore autorisé à se promener l’épée au poing dans la caserne, encore moins une épée d’entrainement. Les trois idiots avaient déjà désertés, ce qui le ravit. Il put donc ranger l’épée sans heurt.

 

« Soldat ! Que faites-vous là ? »

 

Surpris, Ichkhan se retourna et se mit au garde à vous.

 

« Je rangeais mon épée capitaine ! »

 

Le capitaine entra dans la pièce et fit le tour pour regarder les rangements. Il s’interrompit ensuite sur les quelques taches de sang visibles sur le sol. Ichkhan déglutit.

 

« Suivez-moi soldat. »

 

Résigné, Ichkhan suivit son capitaine jusqu’au bureau du commandant. Sa carrière était donc déjà finie à cause de ces trois abrutis ?

 

Mais quand il entra dans la pièce, il ne les y trouva pas. Neuf autres soldats se tenaient au repos devant le commandant et sans comprendre, Ichkhan alla les rejoindre en se mettant au garde à vous.

 

« Ichkhan Bel’Gan pour vous servir commandant !

 

- Oui oui c’est ça, repos, repos, je sais très bien qui tu es. »

 

Le capitaine se plaça sans un mot derrière le commandant, un homme courtaud et massif dont la courte barbe masquait maladroitement le triple menton.

 

« Bien messieurs j’ai une mission pour vous. Le grand jour du défilé approche et le généralissime exige que les rues soient nettoyés des mécréants et des traitres d’ici-bas. Nous allons donc redoubler d’effort pour les arrêter et s’en débarrasser. Par soucis de rapidité et parce que nos prisons sont pleines, tout homme et toute femme soupçonnés de traitrise sera tué sur le champ, sans sommation. Il n’y a que le chef du groupe infâme surnommé « le clan du dragon » qui nous intéresse mais nous ne savons rien de son identité. Ce serait d’un grand réconfort que de le capturer avant la commémoration…la reine n’en serait que plus rassurée. Votre mission sera donc d’entrer et d’enquêter sur tous les lieux suspects des quatre premiers niveaux que nous avons répertoriés. Des questions ? »

 

Un des soldats, un grand efflanqué avança d’un pas.

 

« Oui soldat ? »

 

- Sauf votre respect commandant, pourquoi nous envoyez-nous ? Si Leurs cachettes se trouvent dans les bas niveaux, n’est-ce pas le travail des soldats des niveaux inférieurs ? »

 

Un vague murmure d’approbation se fit entendre du groupe de soldats.

 

« Parce que je n’ai pas confiance dans cette bande d’abruti ! Répondit le commandant d’une voix forte. Cette mission est trop importante pour être gâchée…vous avez donc été choisis parce que vous avez travaillé dans les niveaux inférieurs, contrairement à cette bande d’enfants gâtés qu’on me sert habituellement. Vous connaissez les lieux et les habitants, vous serez donc plus amène d’y repérer tout acte suspect. »

 

Le commandant fit une pause avant de rajouter :

 

« Si vous venez des niveaux inférieurs c’est aussi parce que vous êtes avez tous été victime de préjugé ou d’actes malveillants ayant ternis votre nom. Considérez cette mission comme une seconde chance pour prouver votre valeur et je vous préviens, il n’y en aura pas d’autres ! Vous suivrez les ordres du capitaine Natys ici présent. Rompez maintenant, du balai ! »

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