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Chapitre quinze : Une mauvaise nuit

 

Jian descendit rapidement les escaliers, traversant la place du marché. Plusieurs marchands le reconnurent et le saluèrent, lui proposant de la nourriture ou diverses babioles. Le sourire aux lèvres, Jian répondit à leurs salutations mais pressa toujours le pas ; il avait promis à Elody de rentrer tôt pour diner avec eux.

 

Après quelques escaliers et une galerie à traverser, il arriva enfin chez lui ; dans une petite maison en adobe, offerte à son père par la ville. Alors qu’il ralentit pour saluer un voisin, il entendit un bruit et le cri de sa sœur. Alerté, il ouvra la porte d’un coup et aperçu son père gisant à terre, sa jeune sœur à genou à ses côtés. Tremblante et en état de choc, elle secouait inlassablement son père pour le réveiller mais celui-ci agonisait en se tenant la poitrine, devenue violacée par le poison qui le rongeait. Jian fonça vers une petite armoire pour en sortir une fiole qu’il déboucha et se précipita sur son père pour le lui faire boire mais il se rendit compte que la petite fiole est vide.

 

Jian se réveilla en sursaut en entendant un bruit métallique. Il vit alors Diyien debout, ramassant un de ses poignards tombé à terre.

 

« Ah. Désolé, je t’ai réveillé on dirait. » Commenta celui-ci sans émotion.

 

- Non non c’est bon » répondit Jian en sortant de son lit.

 

Il vit une bassine d’eau fraiche posée sur une petite table et l’utilisa pour se rincer le visage et la nuque. Malgré son cauchemar qui le hantait toujours, il prit des vêtements propres et enfila une des tuniques que lui avait apportées Serope la veille. C’était une tunique dalindrienne d’un autre âge mais elle ferait l’affaire. Il repensa encore à son rêve et se mit à frissonner ; par rapport à la cité chaude de ses souvenirs, la chambre était glacée.

 

Diyien le regarda puis lui jeta sa veste ;

 

« Ce n’est pas le moment d’attraper froid, chef. »

 

Comme si je ne le savais pas,  pensa Jian

 

« Ce n’est rien, je ne suis pas réveillé c’est tout ; ça ira mieux quand on aura mangé quelque chose. »

 

- Pas faux…j’espère qu’ils auront encore du poulet de la veille ! Parce qu’on se les gèle ici, rien à voir avec la cité ! Faudra qu’on reprenne l’entrainement aussi, on en a plus fait depuis qu’on est monté sur ce foutu pont. 

 

- C’est prévu ; Diana veut qu’on s’entraine avec ses hommes pour la mission qu’on va devoir faire ensemble. On fera le point sur le déroulement de la mission puis on s’entrainera. 

 

- Alors ça y est tu l’appelles déjà par son petit nom, l’effrayante chef du clan ?

 

- Qu’est-ce que tu racontes encore comme connerie ? Soupira Jian, tout le monde ici l’appelle Diana. »

 

- Oh aller ne me dis pas que t’as pas été plus loin avec elle ; ils bavaient tous devant le précieux fils du graaand Yaran, elle ne devait surement pas faire exception ! »

 

Le nom de son père prononcé de cette manière le piqua au vif

 

« Écoute, ta crise de jalousie, garde la pour une autre fois, pas maintenant, je suis pas d’humeur. Allons manger, les filles sont surement déjà debout. »

 

- Ah non tu vas pas te défiler, j’attendais justement qu’on soit seuls… Hier soir tu t’es étalé sur ton lit comme un rat mort avant que j’ai pu dire quoi que ce soit mais maintenant tu vas m’écouter. »

 

Jian sentit sa patience arrivée sérieusement à bout. Diyien et lui ne s’était jamais vraiment bien entendu…Il l’avait regardé de haut pendant toute leur jeunesse et avait toujours détesté l’intérêt que les habitants de la cité portaient à Yaran, son père.

 

Jian se tourna vers Diyien et le toisa.

 

« Très bien, mettons les choses au point. Tu es Diyien, fils de Korson, prince de la cité, je suis pas prêt de l’oublier vu que tu me le rappelles sans arrêt mais toi tu sembles oublier que je suis Jian, fils de Yaran Bel’Gan, ancien général des armées de Dalindra et que c’est moi que Korson, ton père ainsi que les autres chefs de la cité, ont choisis pour être le chef de cette mission. Alors si tu es en colère et que tu veux savoir pourquoi c’est moi et pas toi qui dirige ici, demande à ton père ! »

 

Jian avait haussé la voix sur sa dernière phrase et le regretta quand il vit que Diyien arrivait quant à lui à garder son calme. Il du vraiment se contenir pour ne pas mettre son poing dans le rictus de son compagnon.

 

« Oui il faudra vraiment que je lui demande pourquoi il a choisi un orphelin pouilleux qui pleure chaque nuit la mort de son pauvre père. Dis-moi, cette fois-ci ton rêve était-il sur ton père qui agonisait ou sur le moment où tu as du apporté son cadavre à la rivière ? Vu comment tu gémissais non non non, je parie sur la première proposition.»

 

Jian empoigna Diyien et l’envoya valser contre le mur, renversant la bassine au passage. Il le frappa ensuite une fois au visage avant que Diyien ne parvienne à se dégager de son étreinte et ne le frappe à son tour au menton.

 

Par reflexe, Jian empoigna son épée posée à coté de son lit et se releva quand il vit Diyien faire de même avec sa lance.

 

« Tu sais quoi, cracha celui-ci, ce serait beaucoup plus simple si tu mourrais maintenant. Tu ne manqueras à personne, vraiment je t’assure. Je ramènerai ta sœur à la cité, qu’elle n’aurait jamais dû quitter et je serai prendre soin d’elle, beaucoup mieux que toi. »

 

« Si tu t’imagines pouvoir toucher à ma sœur… »

 

Au même moment, la porte s’ouvrit et Elody rentra dans la pièce

 

« Eh les garçons, vous venez ? On a faim, nous ! Et…qu’est-ce que vous faites ? demanda-t-elle en jetant un regard ahuri sur les objets renversés, leurs nez en sang et leurs armes au poing. »

 

Diyien se ressaisit le premier ;

 

« Simple entrainement matinale. Tu connais ton frère, un véritable acharné. »

 

- Woaw frangin, c’est plus de l’entrainement ça... allons manger, vous aurez tout le temps de vous frapper dessus plus tard…dans une pièce prévue pour et avec des armes d’entrainement, histoire que vous ne tuiez personne…

 

- tu as raison, je suppose, je me suis laissé emporter, répondit Jian et frottant le sang qui lui dégoulinait au menton. Allez-y, je range tout puis je vous rejoins.

 

Diyien ne se fit pas prier et sortit de la pièce en voulant entrainer Elody. Celle-ci se dégagea et se retourna vers son frère ;

 

« Jian tu es sûr que ça va, tu veux que je t’aide ? »

 

Celui-ci arriva à émettre un sourire qui lui sembla plus une grimace qu’autre chose.

 

« Non non allez-y je vous rejoins. »

 

Elody finit par sortir, entrainée par Diyien qui laissa la porte ouverte derrière eux. Jian put alors entendre la suite de leur discussion.

 

« Diyien qu’est ce qui s’est passé, qu’est-ce que tu as dit encore ? » entendit-il sa sœur demander.

 

- Mais rien vraiment, c’est ton frère, il fait toujours un fromage pour tout ! Il a mal dormi, il était de mauvaise humeur et du coup il a tout reporté sur moi et… »

 

Jian claqua la porte pour ne plus entendre l’insupportable voix de son compagnon de route.

 

Il se rassit ensuite sur le lit et se prit la tête dans les mains. Il n’était déjà pas très en forme au réveil mais alors là…son menton que Diyien avait frappé le lançait et lui donnait un sacré mal de tête. Il constata que du sang avait taché sa tunique et entreprit d’en chercher une autre mais se sentant pris d’un vertige, il s’allongea sur le lit pour se calmer.

 

Plus qu’une semaine…une petite semaine pour accomplir la mission…puis trois mois de voyage et ils seront de retour chez eux, il ne sera plus obligé de le supporter tous les jours et toutes les nuits. Et s’ils réussissent la mission…il ne sera même plus obligé de retourner à la cité. Il pourra retourner dans sa famille, leur présenter sa sœur, lui offrir la vie meilleure qu’elle méritait… il préférait crever que de voir sa sœur avec un gars comme Diyien !

 

Sentant son mal de tête passer, il se releva et rangea rapidement les objets renversés. Il prit ensuite le chandelier de la chambre pour éclairer son chemin dans le couloir étroit.

 

Il arriva enfin dans la grande salle de la veille et y vit moitié moins de monde que pour leur arrivée. Il distingua rapidement ses compagnons attablés et entreprit de les rejoindre, même s’il devrait faire un gros effort pour supporter Diyien.

 

Serope vint cependant le rejoindre et insista à grand geste pour qu’il la suive, en indiquant la mezzanine. Il semblerait que la chef requiert encore sa présence…ce n’était peut-être pas plus mal. Sans rechigné, il suivit la jeune Kuvraks jusqu’aux escaliers.

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