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Chapitre dix-sept : Le duc de Bâ

 

C’est d’un pas rapide qu'Andom Bel'Gan, l’hériter du duché de Bâ traversa la longue galerie des armes pour rejoindre le sanctuaire. Voilà trois jours que son père s’était enfermé là-dedans et il comptait bien l’en faire sortir aujourd’hui, par la force s’il le fallait. Depuis plusieurs années, Andom travaillait sans relâche pour redonner honneur et puissance à sa famille et à ses terres. Il avait de puis refuser plusieurs propositions de mariage qu’il jugeait insatisfaisantes. Il était urgent de regagner leur trésorerie décimée ;  les villageois étaient de plus en plus pauvres alors que le château tombait peu à peu en ruine. Il plaçait bien sûr de grands espoirs dans le mariage de sa jeune sœur, la belle et douce Nazély mais il ne pouvait approuver quoi que ce soit sans l’aval de son père, toujours seigneur et maitre de ces terres.

 

Andom arriva devant la grande porte qui fermait le sanctuaire. Il appuya dessus mais sans succès, les portes étant fermées de l’intérieur. Enervé, il hésita à appeler les gardes pour forcer la porte mais ce ne serait pas ça qui rendrait son père d’une humeur plus avenante… Il tapa donc trois fois de son poing sur un des battants.

 

« Père, c’est moi Andom. Veuillez sortir je vous en prie, nous avons à parler de choses importantes. »

 

L’hériter de Bâ tendit l’oreille mais n’entendit que le silence.

 

« Père ! » cria-t-il une seconde fois, toujours sans succès.

 

L’inquiétude pris peu à peu place sur l’énervement. Si son père était bien enfermé la dedans depuis trois jours, comment s’alimentait-il ? Avait-il au moins apporté de l’eau avec lui ? Andom se rabroua ; Les prêtres avaient toujours accès au sanctuaire, il était évident qu’il ne laissera pas leur seigneur mourir de faim…Les prêtres...Il pourrait leur ordonner de le faire entrer par leurs quartiers privés. Ils n’aimeraient pas ça mais quelle importance ? Il y avait toujours des mécontents de toute façon et son père passait avant tout le reste.

 

Andom s’éloigna de la grande porte pour se diriger vers le quartier des prêtres mais à peine avait-il fait deux pas qu’il entendit son nom prononcé derrière lui.

 

Il se retourna pour faire face à sa mère.

 

Après la crise de son père et son enfermement dans le sanctuaire, Andom avait cru pouvoir compter sa mère comme une alliée. Après-tout, n’avait-elle pas marqué son approbation sur la majorité des sujets qu’il lui avait présentés ? Sauf le mariage bien sûr…mais même Andom le désapprouvait au fond de son cœur mais qu’en pouvait-il ? Il était de leur devoir de faire des sacrifices pour leur famille et Andom ne devait pas être le seul à l’assumer. Ichkhan était parti à la capitale malgré leur disgrâce et Nazély devrait bientôt quitter son nid d’enfance pour devenir une femme accomplie et épouser le mari qu’on lui désignerait. Il s’était attendu à ce que sa mère désapprouve le mariage mais il avait pensé que ce serait le sentiment juste d’une mère éplorée devant le départ de sa fille unique.

 

Au contraire, sa mère s’était peut être montrée encore plus intransigeante sur cette question que son père. Celui-ci avait hurlé comme jamais il n’avait entendu son père hurler. Sa mère n’avait pas prononcé un mot mais ses lèvres pincées et ses yeux glacés faisaient office de réponse.

 

Aujourd’hui encore, sa mère avait ce même regard. Était-ce du dégout, de la déception ? Après tout ce qu’Andom avait fait pour leurs terres, il ne récolterait donc que du mépris de ses parents pour avoir promis sa sœur au meilleur parti du pays ?

 

« Viens mon fils, il faut que nous parlions. »

 

- C’est à père que je souhaiterais parler, répondit-il

 

- Ton père est occupé pour le moment

 

- Occupé ? Depuis quand s’enfermer pleurnicher devant les dieux est-elle une occupation ?

 

Andom s’était montré plus grossier qu’il ne l’avait voulu, comme le montra le ton choqué de sa mère. Celle-ci semblait sur le point de faire demi-tour.

 

Et bien allez-vous en aussi puisqu’il semble que c’est la norme ici que les parents fuient leurs problèmes pour les laisser sur le dos de leurs enfants, pensa-il

 

Peut-être ses pensées atteignirent-elles quand même sa mère puisque celle-ci retint son geste. Elle regarda son fils ainé et celui-ci sut qu’il venait de la blesser et il en eu honte.

 

« Mon fils, tu ne comprends pas…viens, je dois te parler, t’expliquer… »

 

- Alors expliquez-moi ! Répliqua Andom en parlant plus fort qu’il ne l’aurait souhaité.

 

- Pas ici. Répondit-elle. Si le sanctuaire est sûr, il n’en est rien de son couloir d’entrée. Viens, montons sur les remparts, il fait une journée splendide.

 

Et sur ces énigmatiques paroles, sa mère s’avança dans le couloir en direction de la porte d’entrée du château. Non sans une certaine inquiétude, son fils ainé la suivit.

 

Il faisait effectivement un temps splendide…et un vent à en démettre les pierres. Loin de chercher à s’en mettre à l’abri, sa mère se plaça au contraire bien au centre de la bourrasque, si bien que son fils fut obligé de se placer au plus près d’elle pour l’entendre.

 

Sa mère le regarda et lui sourit, toute trace de déception ayant quitté son beau visage fatigué. Ses robes et sa longue tresse virevoltait dans le vent et elle regarda le paysage avec émotion.

 

La forêt de Gan s’étendait à perte de vue, trouée par villes et villages qui longeaient la rivière. Ils pouvaient apercevoir au loin le lac Bâ qui brillait comme un miroir au soleil. La mer se devinait enfin au loin et Andom savait que s’il se retournait, il verrait la montagne et les longs et gigantesques ponts qui rejoignaient les autres villes.

 

Sa mère trembla et Andom ne sut si c’était le froid du vent ou le poids des paroles qu’elle devait lui prononcer. Il défit sa cape et lui en entoura les épaules. Elle le regarda encore et lui prit son visage dans ses mains.

 

« Andom, mon si droit  et si fier Andom…Ton père et moi savons très bien que ce que tu fais est pour notre famille mais il y a parfois des moments où il faut mettre son honneur de côté pour combattre pour ce qui est juste. »

 

Elle regarda encore au loin avant de reprendre

 

« Il est impossible que nous acceptions que Nazély épouse Korven. »

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