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Chapitre 20 : La reine

 

Voilà une heure que Rigel avait été appelée par le haut colonel Tensi et elle ne revenait toujours pas...Sarishia avait accepté qu’elle l’accompagne désormais dans ses visites au sanctuaire mais elle était lasse d’attendre. Elle renvoya donc une fois de plus sa servante qui la quitta non sans un regard inquiet et retourna à la tapisserie.

La princesse et sainte Dalindra était assise sur un magnifique trône blanc, faisant ressortir sa longue chevelure d’or. Elle avait le visage fin et magnifique et la regardait avec bonté.

Décidément, pensa Sarishia, quoi qu’ils disent, je n’en suis qu’une bien pâle copie…Je n’ai en rien sa grâce et sa beauté…Et encore moins son courage. 

La propre chevelure d’or de Sarishia lui descendait en boucle sophistiquée jusqu’au milieu du dos. Perles et parures y avaient été nouées par sa coiffeuse pour « rehausser sa belle peau pâle ».

Quand sa mère n’était pas encore accablée par le chagrin, quand elle arrivait encore à gérer le pays seule sur son trône, elle l’avait un jour prise sur ses genoux et lui avait vanté la beauté et la rareté de sa chevelure.

 

« Une princesse aux cheveux d’or, ça n’était plus arrivé depuis trois cent ans ! On dit qu’elles sont envoyées des dieux, qu’elles arrivent sur la Terre pour y apporter paix et prospérité. Tu vois Sarishia, tu es mon petit ange à moi, tu vas aider maman à maintenir la paix dans notre beau pays. »

 

Mais sa mère était maintenant alitée, Korven tenait le pays d’une main ferme, sans concession et elle-même n’était plus qu’un oisillon aux ailes coupées.

Elle se secoua et retourna la tapisserie pour pénétrer dans le passage.

Arrivée dans le hall du sanctuaire, elle s’apprêta à retourner dans la chambre royale. La dernière fois, sa mère ne s’y trouvait pas…Elle avait alors pensé qu’elle tenait une réunion avec ses conseillers mais là non plus, elle n’y était pas…Choquée par ce qu’elle avait entendu, elle n’y avait plus pensé mais maintenant, cela l’inquiétait bien plus que de savoir quel prince elle allait devoir épouser.

 

Mais une autre chose la perturba ; la porte de la crypte était grande ouverte, ce qui n’était jamais arrivé…   

Happée par la curiosité, elle s’y engouffra en silence. La pièce, grande et basse était sombre et on y distinguait à peine les différentes statues royales, chacunes trônant au-dessus de leur cercueil.

C’est alors qu’elle entendit des faibles bruits provenant du bout de la salle. Elle prit une des lanternes allumées et accrochés à côté de la porte et s’avança vers le bruit.

Comme elle s’y attendait, c’est la statue et le cercueil de son père qui se trouvait au bout de la rangée, laissant après lui de l’espace vide pour sa descendance. Mais ce qui la sidéra sur place c’est d’y voir sa mère à genoux, sanglotant péniblement sur la pierre froide du cercueil.

 

« Mère ! » S’écria-t-elle.

 

Mais sa mère ne sembla pas l’entendre car elle ne se retourna même pas.

En tendant l’oreille, elle se rendit compte que sa mère marmonnait un flux ininterrompu de paroles, presque inaudibles. Pensant qu’elle essayait peut être de lui parler, elle s’en rapprocha mais là encore, ni sa présence ni même la lumière vive de la lanterne ne changèrent son comportement.

 

« Mais pourquoi m’as-tu laissée seule ? Tu n’en avais pas le droit, tu m’avais promis de toujours rester à mes côtés ! Je ne sais pas gérer le pays seule, je ne sais pas. Tu m’avais promis de ne pas partir ! Et les filles ? Que vais-je faire avec les filles ? Je ne sais pas les gérer seule, non je ne sais pas ! Tu n’avais pas le droit, tu n’avais pas le droit de me quitter !"

 

Sarishia ne comprenait plus rien…Sa mère semblait s’adresser à son père lui-même ! Ne se rendait-elle donc pas compte qu’elle ne parlait qu’a une statue ? Et pourquoi donc parlait-elle des filles ? De qui pouvait-elle donc parler ?

 

« Mère, mais à qui parlez-vous ? »

 

Mais sa mère ne l’entendait toujours pas…Sa fille avait l’impression d’être invisible, tel un fantôme…   

Sa mère se leva alors soudainement et se mit à sourire mais d’une horrible façon, comme si elle en souffrait. Elle se remit à parler dans le vide

 

« Ah chéri, Yaran t’attends dans ton bureau ! Oui, il veut encore te parler des Kuvraks, il aimerait que tu autorises qu’un de leur dignitaire vienne au palais ! Il n’en démord pas. Korven n’est pas d’accord bien sûr…Mais il est de plus en plus fermé depuis la mort de sa femme...As-tu entendu cette horrible rumeur sur son fils ? C’est impensable ! Et Sariwŏn veut aussi te voir, voilà une heure qu’il se tient devant la porte…Mais après tu devrais aller voir Karishia, elle est impossible aujourd’hui ! Décidément leur caractère est si différent…Et aussi n’oublie pas l’anniversaire de Mariana, j’ai déjà fait préparer le cadeau. »

« Mère…Mais enfin…Je m’appelle Sarishia et pas Karishia, vous devriez le savoir quand même…»

 

Sarishia voulu s'approcher de sa mère mais elle fut interrompue par une main ferme enfermant son épaule.

 

« Vous ne devriez pas être ici votre grâce. »

 

Elle reconnut directement la voix grave du général Korven et n'osa pas réchigner quand il l’a raccompagna vers le hall. Elle était de toute façon bien trop démoralisée pour cela.

 

Elle vit deux soigneurs se diriger vers sa mère et lui tenir doucement les bras pour la ramener vers ses appartements. La reine ne sembla pas s’en rendre compte vu qu’elle bavardait toujours avec le vide…Les portes du sanctuaire se refermerent lourdement derriere eux et sa mère fut amenée vers ses appartements. Le général Korven quant à lui escorta la princesse jusqu'aux salles de réunion.

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