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Chapitre six : une grande cage dorée

Sarishia avait attendu deux longues heures sur un petit canapé attenant à la porte du sanctuaire avant qu’un domestique vienne lui apprendre que sa mère ne pouvait être en mesure de la recevoir. Peinée mais non étonnée, elle se leva avec grâce et quitta le hall, les pans de sa robe bleue volants derrière elle. Toute à sa réflexion, elle se laissa guider par ses pas qui la menèrent au petit jardin des roses. Le temps était cependant à son image ; triste et morose. La pluie tombait sans relâche, noyant les rosiers qui ployaient sous la charge de l’eau.

Sarishia sentit Rigel se rapprocher, la main à l’épée. La jeune soldate assignée à sa protection restait d’habitude en retrait et Sarishia ne compris pas son changement soudain d’attitude.

Rigel ignora son air interrogatif et continua de fixer le jardinet. Suivant son regard, Sarishia aperçu la silhouette d’une personne, sous la pluie. Celle-ci semblait discuter avec quelqu’un d’autre, caché derrière le belvédère.

« Rigel, tu exagères ; s’indigna la jeune fille, beaucoup de gens aiment discuter dans ce jardin, ce n’est pas interdit. » 

- Sous cette pluie ? On aura connu plus confortable… Répondit la soldate. Sauf peut-être pour ne pas être vu et entendu… »

Sarishia resta muette…Bien que ces insinuations lui semblaient en tout point exagérés, il était vrai que discuter sur cette pluie ardue alors que tout le palais offrait ses toits protecteurs était assez étrange… Elle plissa les yeux mais ne parvint décidément pas à distinguer les deux personnes. La plus visible se retourna vers eux puis s’en alla et disparu sous la pluie. Sa démarche et ses vêtements semblaient indiquer un homme mais noble ou soldat ? Elle aurait été bien en peine d’y répondre…Et après tout, s’en souciait-elle vraiment ? Elle avait d’autres choses à penser, d’autres choses à faire aujourd’hui…

«  Rentrons, trancha Sarishia, je commence à avoir froid. Je crois que je vais demander à Rana de préparer un bain. »

- Bien princesse » Répondit Rigel.

La soldate se décontracta et suivi sa maitresse à distance respectable.

Elles arrivèrent devant la porte de ses appartements quelques minutes plus tard. Par habitude, Rigel rentra la première pour vérifier que tout était en ordre. Sarishia était lasse de toute cette stupide sécurité mais elle avait beau s’être indignée plus d’une fois, Sa garde du corps personnelle n’en démordait pas.

Il est vrai que quelques accidents avaient eu lieu ces derniers temps mais cela n’avait jamais atteint le cœur du palais ni visé la famille royale aussi la princesse Sarishia ne se sentait-elle pas du tout concernée.

Rana, sa servante personnelle, arriva bientôt, chargée de draps propres qu’elle déposa dans un grand coffre. Elle repartit aussi sec chercher de l’eau chaude, à la demande de sa maitresse.

« Je vais me changer, laisse-moi maintenant » ordonna-t-elle à Rigel.

Sarishia attendit que Rigel claque la porte pour se précipiter vers une des grandes tapisseries qui ornaient sa chambre. Elle retourna l’une d’elle, représentant la sainte Dalindra et appuya sur un minuscule bouton dérobé. Un petit bruit se fit entendre et la princesse appuya sur le mur, faisant ouvrir une petite porte cachée. Ni une, ni deux, elle rentra dans le passage et claqua la porte derrière elle.

 Le couloir était sombre et étroit mais les cloisons étaient parsemées de grillages décoratifs qui laissaient passer une faible lueur, suffisante pour y marcher. En calant l’œil sur ces grillages, elle pouvait voir tout ce qui se passait dans les pièces que longeait le passage, sans être vue de ses occupants. Après avoir découvert ce passage, elle en avait appris plus qu’elle ne l’aurait pu s’imaginer sur la vie du palais et sur les ragots qui y couraient. Les nobles qui étaient si précieux et si polis devant elle devenaient plus que loquaces quand ils se croyaient à l’abri des oreilles indiscrètes….La princesse avait alors eu vent de l’état de santé plus que déplorable de la reine, sa mère et des divers complots qui visaient à la faire disparaitre... Après s’être promenée dans les murs pour son plaisir, elle était maintenant décidée de l’utiliser à une fin bien plus importante. Voilà plus d’une semaine qu’elle tentait, jour après jour, d’avoir un rendez-vous officiel avec sa mère pour lui parler, l’avertir mais sans résultat. Elle comptait bien réussir cette fois ci !

A force d’utiliser ce passage, la princesse le connaissait par cœur et c’est sans hésiter qu’elle tourna une fois à droite, une fois à gauche, ou emprunta une autre petite porte dissimulée un peu plus loin. Elle longea ainsi pendant une trentaine de minutes les différentes pièces du palais, chambre d’invités vides et silencieuses ou pièces des domestiques, animées et dégageant toutes sortes d’odeurs différentes.

La jeune princesse arpenta ainsi son passage secret en toute confiance, grisée par la liberté et la certitude d’avoir une fois de plus berné son entourage…et pas une seule fois elle ne vit l’ombre qui la suivait quelques pas plus loin.

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